Le passage du domicile à l’EHPAD est toujours un moment difficile pour la personne âgée. Le domicile, à la fois repaire et lieu de repères, parfois depuis plusieurs dizaines d’années, constitue l’endroit où la personne se sent en sécurité, où elle dispose à son gré de ses souvenirs et où elle se sent libre. C’est son « chez soi ».
Le départ vers l’EHPAD constitue un bouleversement majeur et irréversible dans la vie du vieillard dont les conséquences doivent être anticipées, par la famille bien sûr, si elle existe, mais aussi par les soignants. On peut constater que si, dans la majorité des établissements, le personnel soignant fait preuve d’un grand dévouement et est très attentif aux besoins des résidents, il a plus de mal à appréhender les difficultés psychologiques, pas toujours exprimées, et notamment celles liées à l’abandon du domicile. Il faut reconnaitre que la charge de travail est considérable, liée au manque d’autonomie créé par les différents déficits physiques et cognitifs et à l’insuffisances des effectifs. Il faut y ajouter un manque de formation. On a pu voir de jeunes infirmières fraichement diplômées découvrir ce monde nouveau, et d’autres, plus âgées, arrivant de services plus techniques mais tout aussi ignorantes du monde de la vieillesse dépendante.
Au-delà de l’assistance technique dont a besoin la personne âgée dépendante, il faut lui assurer une assistance psychologique lui permettant de s’intégrer le mieux possible dans ce nouveau lieu de vie. Il est bien sûr indispensable d’effectuer un bilan cognitif et psychologique complet, en tenant compte d’éventuelles pathologies psychiatriques, afin d’évaluer le degré de dépendance ainsi que de l’état psychologique de la personne : est-elle dépressive, comment vit-elle son changement de domicile, exprime-t-elle des regrets, est-elle complètement refermée sur elle-même, a-t-elle changé de comportement après quelques jours ou quelques semaines, etc… Ce bilan n’est malheureusement pas toujours réalisé. On se contente de quelques tests réalisés à l’entrée comme le fameux test de Dubois (aide au diagnostic de la maladie d’Alzheimer) et la bienveillance du personnel ne peut pas répondre à la détresse ressentie par le vieillard.
La chambre, si confortable soit-elle, ressemble au mieux à une chambre d’hôtel, mais le plus souvent à une chambre d’hôpital. Les quelques rares objets personnels que le résident peut apporter ne suffisent pas à personnaliser le lieu. La vie est ensuite rythmée par les événements de la journée : soins, repas à la cantine, animations, parfois quelques sorties pour les plus valides, coucher, tout ça à heures fixes. Pas d’imprévu, pas de surprise. Rarement on autorise certains résidents à posséder un animal de compagnie qui évidemment ne doit pas incommoder les autres. C’est une bien maigre consolation.
On comprend que dans ces conditions le résident ne se sente pas chez lui. Alors que faire ? Il n’est bien sûr pas question de proposer une longue psychanalyse à quelqu’un qui, le plus souvent, n’est pas demandeur. Un simple accompagnement psychologique est sans doute plus judicieux, encore faut-il qu’il y ait quelqu’un de compétent pour le réaliser suffisamment souvent. Il faut cependant bien être conscient que, quoi qu’on fasse, il y a peu de chance que la personne puisse considérer sa chambre comme son « chez soi ». Tout au plus, arrivera-t-on à lui faire admettre qu’elle ne peut plus vivre seule chez elle et que l’EHPAD n’est pas un hôpital mais une sorte d’hôtel où elle est entourée et en sécurité. Il est peu probable que cela puisse rassurer quelqu’un qui comprend bien qu’il est là pour attendre la mort.
Il n’y a malheureusement pas de réponse idéale à ce problème. On pourrait imaginer des établissements proposant des petits appartements que chacun pourrait meubler à son gout. Il n’est pas sûr que cela suffise, sans compter le cout faramineux de tels établissements. La meilleure solution serait sans doute que la personne âgée puisse demeurer chez elle et que les aidants puissent venir à elle, à l’image de l’hospitalisation à domicile. Cela existe déjà mais de manière insuffisante et exige un minimum d’autonomie intellectuelle à défaut d’une autonomie physique. Il existe pourtant de nombreuses alternatives à l’EHPAD.
La cohabitation ou la colocation permet à plusieurs personnes âgées de vivre ensemble dans le même logement. Chacun peut meubler au moins sa chambre et apporter une touche personnelle dans les espaces communs. Pour cela, il est nécessaire qu’il y ait une bonne entente et que le degré de dépendance des participants soit comparable.
L’accueil familial est également une possibilité relativement économique mais qui crée des contraintes que tout le monde ne peut pas ou ne veut pas accepter.
Il existe aussi des ensembles de petites maisons regroupées autour d’un espace commun central, recréant ainsi une ambiance de village.
J’ai cité quelques exemples mais il en existe bien d’autres que vous trouverez sur les sites spécialisés.
Nous avons évoqué jusqu’ici la situation du vieillard seul. Mais il faut penser également aux couples, dont l’un des membres est dépendant ou les deux. Quelque soit la situation il va de soi que la pire des solutions serait de les séparer. Malheureusement, là aussi les EHPAD sont rarement en mesure de proposer une solution d’hébergement satisfaisante.
Certains penseront que je me mêle de ce qui ne me regarde pas. Il ne m’appartient pas, en effet, d’imaginer des solutions d’hébergement pour le grand âge. Mais je tiens à attirer l’attention sur le confort et le bien être psychologiques des personnes concernées. On ne peut pas résoudre les problèmes posés par la vieillesse uniquement en se préoccupant du confort matériel. La bienveillance psychologique est indispensable et le soutien psychologique est aussi nécessaire que l’aide à la dépendance physique. Au-delà des diverses solutions matérielles évoquées plus haut, et qui ont une importance indéniable, il faut absolument apporter des solutions psychologiques, surtout si on n’a pas pu conserver le « chez soi ». En EHPAD il y a souvent un psychologue attaché à l’établissement auquel vous pouvez vous adresser. Souvent ce praticien exerce à temps partiel dans l’établissement et manque parfois de disponibilité pour assurer un suivi personnalisé de chacun. Dans ce cas il ne faut pas hésiter à faire appel à un praticien extérieur à l’établissement (comme vous continuez à faire appel au médecin traitant pour gérer les problèmes médicaux du résident). Contrairement à ce que beaucoup croient, les psychanalystes sont nombreux qui acceptent de se déplacer en EHPAD, à domicile ou dans d’autres structures d’accueil.
J’espère, par ces quelques lignes, vous avoir convaincu que le vieillard dépendant n’est pas un bibelot qu’on met dans un écrin (aussi beau soit-il). Il ne suffit pas de lui donner un confort matériel et des soins de qualité pour qu’il soit heureux. Soyez vigilant à ne pas ajouter à une défaillance physique, une détresse psychologique.
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